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Bonne nouvelle : les ados se « fuicident »

Oui, vous avez bien lu, et non, il n’y a pas de faute d’orthographe : les ados se fuicident. Se fuicider : néologisme apparu en juin 2012, mélange de « suicide » et de « Facebook », signifiant « quitter Facebook », « supprimer son compte ». Ce n’est donc plus « Facebook m’a tué », mais « j’ai tué Facebook », une inversion du sujet qui n’a rien d’anodin. En effet, selon une étude que vient de publier le cabinet britannique Conquest, Facebook agit sur l’humeur des ados, ce qui n’a rien de surprenant, et les rend « unhappy ». Parfois abusivement traduit par « dépressif », nous préférerons ici la traduction littérale de cet adjectif par « non heureux », qui a le mérite de dire clairement les choses : non, avoir des centaines d’amis en réseau n’est pas l’assurance du bonheur. Voire, comme le souligne l’étude, cela peut même conduire à l’effet inverse, et développer une série d’émotions négatives : sentiment de vulnérabilité au harcèlement pour 44% des jeunes sondés, mauvaise image de soi (28%), jalousie (24%), voire, dans un quart des cas, une dépression (tout de même) qui résulte de la comparaison constante avec les « autres », qui ne postent, évidemment, que des statuts positifs et enjolivent leur réalité. Résultat : 31% des ados interrogés ont supprimé leur compte, ou envisagent de le faire.

Cette notion de « fuicide » est une bonne nouvelle à double titre. D’abord, cela signifie que contrairement à tout ce que l’on peut imaginer de l’inconscience adolescente en ligne, elle n’est pas si tangible que cela : les ados conservent leur libre-arbitre, et s’il ne se sentent pas à l’aise quelque part, effet moutonnier ou pas, ils savent dire stop et prendre en main leur destin numérique.

Ensuite, la construction de son identité en ligne à l’âge adolescent est plus subtile qu’il n’y paraît : les ados ne révèlent pas forcément tout de leur vie privée, mais uniquement ce qui les arrange. Les usages se sont affinés avec le temps. Et si les premiers utilisateurs ont essuyé les plâtres de la publication en ligne sans en maîtriser les conséquences, les ados d’aujourd’hui, alertés par les médias, les parents, les profs, et confrontés à leurs propres erreurs, en tirent une conséquence logique : ils ferment leur compte. Selon une autre étude récente, les petits Français seraient d’ailleurs parmi les mieux informés au monde concernant les problèmes de sécurité en ligne, voire les mieux informés en Europe, preuve de l’utilité de l’éducation aux médias numériques que ce soit à l’école ou à la maison.

Cette apparition de la notion de « fuicide » ne doit pas pour autant faire baisser la garde concernant le savoir-vivre en ligne. Les ados et futurs ados ont pris goût à la vie sociale en ligne. Elle fait partie de leur quotidien, certains diront de leur ADN. Certains ados se réfugient sur Twitter, où ils se sentent à l’abri de leurs parents, et où, surtout, ils ont le sentiment de pouvoir communiquer plus facilement avec leurs idoles, qu’il s’agisse de Justin Bieber ou des One D. D’autres réseaux accueillent les déçus de Facebook. MySpace, tourné vers la musique, semble retrouver une deuxième jeunesse après avoir été enterré par l’arrivée de Facebook… Mais surtout, des réseaux beaucoup plus intimistes, comme Path, uniquement accessible via les smartphones, donc très personnel et à l’abri des regards, montent en puissance. Le temps des secrets, bientôt le come back ?

Laurence Bee