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Dans l’antichambre de Facebook

BlogAdos-logoMSPSi vous avez plus de 10 ans, vous n’avez peut-être jamais entendu parler de Good Game Farmer, Habbo Hotel, Bobbalive, Woozworld ou Movie Star Planet. Ce sont un peu les arbres qui cachent la forêt du Web 2.0, version premiers pas : des sites dont les adultes n’ont aucune connaissance -ou seulement en superficie- mais dont les préados sont particulièrement friands. Bien avant Facebook ou Twitter, les tweens (préados en anglais) effectuent leurs premiers clics sociaux sur des jeux en ligne. C’est dans la cour de récré, qui reste encore le lieu privilégié pour la popularisation des pratiques numériques naissantes, que les noms de ces sites circulent et s’échangent. Les enfants entre 9 et 12 ans s’y donnent rendez-vous et s’y retrouvent après l’école. Ces sites sont en quelque sorte les nouveaux jardins d’enfant, les parcs de jeux favoris des juniors en soirée.

Les ancêtres de ces jeux s’appellent Second Life ou les Sims, jeux dits sociaux, dont le principe est assez simple : évoluer dans un univers (appelé métavers, pour méta univers), se faire de nouveaux amis. La vie, somme toute, mais la vie derrière un écran, accessible d’un clic, pleine de promesses.

Et les préados adorent. C’est en premier lieu sur Habbo ou Good Game Farmer qu’ils réseautent à la mode 2.0. C’est là qu’ils s’initient à l’ouverture d’un compte, qu’ils découvrent le chat, les avatars, l’usage d’un pseudo, les « amis » qu’ils n’ont jamais rencontrés et qu’ils ne rencontreront probablement jamais… La plupart du temps, ils le font seuls, ou avec un copain ou une copine de leur âge.

C’est là, donc, qu’apparaît l’embryon de leur identité numérique, la plupart du temps sous l’oeil distrait des parents, bien plus attentifs aux usages sur Facebook parce que la plate-forme est ultra médiatisée, qu’aux pratiques sur Movie Star Planet. Et pourtant… le principe est souvent le même : une fois son personnage créé, le joueur évolue dans son univers (un hôtel, un appartement, un jardin, ou un décor de cinéma), avec pour objectif de devenir VIP (ou équivalent). Les codes propres aux réseaux sociaux sont en place : retrouver des amis, créer sa page, consulter un forum, chatter, devenir populaire, poster des photos ou des vidéos. Les parents, probablement rassurés par l’aspect ludique des lieux, ignorent que les chats peuvent également parfois être le témoin d’échanges d’insultes gratuites, même si les sites ont mis en place des systèmes où les insultes sont bannies. Ces sites attisent aussi les jalousies et incitent certains joueurs avides de progresser le plus vite possible à devenir des pirates en herbe en récupérant des mots de passe, pour pouvoir grimper plus rapidement dans la hiérarchie…

Souvent présentés comme « créatifs », ces jeux sont surtout des incitations à la consommation sous toutes ses formes, le meilleur moyen de devenir VIP étant d’acheter un pass, l’achat (réel) s’effectuant parfois à l’insu des jeunes joueurs.

Habbo Hotel, bien qu’en perte de vitesse après des scandales liés à la présence de pédophiles parmi les joueurs, revendique plus de 200 millions d’inscrits dans le monde. Des développeurs amateurs ont créé des sites miroirs, appelés rétroserveurs, ou « rétros » dans le jargon ado, qui permettent de mettre en scène des univers très proches, voire copiés et revendiqués comme tels, du jeu imaginé par la société finlandaise Sulake. Ces rétros sont nombreux, illégaux, ce qui ne les empêche pas de rencontrer un certain succès dans le sillage de leur « aîné ».

Si les problèmes sur les sites de jeux sociaux existent, il faut également faire confiance aux ados pour s’affranchir de ces dérives, ou faire avec et les contourner. Nombreux sont les témoignages d’ados nostalgiques de leurs années « habbo » ou « MSP » (Movie Star Planet)… ou au contraire, nombreux également sont ceux qui honnissent désormais ces sites où ils ont passé tant de temps, manière de s’afficher comme « grands ». Ce n’est plus Facebook le rituel d’un passage à une certaine maturité numérique, mais bien plutôt le séjour au sein de ces univers virtuels.